Appel de la société civile pour appliquer les solutions face à la « crise » de l’accueil
Depuis deux ans maintenant, l’Etat belge assume d’être dans l’illégalité par rapport à ses obligations en matière de droit d’asile et d’accueil, laissant en toute conscience encore actuellement 2.100 personnes en demande de protection internationale livrées à elles-mêmes (à la rue, dans des places d’urgence pour sans-abris, dans un logement d’une de leurs connaissances, dans des hébergements portés par des citoyen·nes…).
Les évènements de ces dernières semaines – décision de la secrétaire d’Etat, appuyée par le gouvernement, de ne plus accueillir les hommes seuls demandant l’asile, opérations de ‘nettoyage’ à la gare du midi, interdiction de campement dans plusieurs communes, menaces d’expulsions de bâtiments occupés – témoignent d’une dégradation de la situation et de l’impact de plus en plus important de cette “crise” sur la société belge.
Alors que, les demandeurs d’asile sont chassés de toute part et que les organisations humanitaires en charge de la santé mentale établissent le constat plus qu’alarmant d’un nombre record de demandeurs de protection internationale en grande détresse psychologique, les appels des professionnel·les et citoyen·nes ne sont pas entendus et les actions menées par le gouvernement sont insuffisantes, voire inexistantes.
Pourtant, des solutions existent et ont été mises en avant par la société civile. Soyons honnêtes : il ne s’agit pas d’une crise de l’accueil mais d’un refus d’accueillir, d’une volonté de dissuader et d’une gestion chaotique de la question migratoire par la crise.
Aujourd’hui, associations et collectifs citoyens se rassemblent une fois de plus pour dénoncer la non-volonté politique assumée du gouvernement.
Cette politique de mépris et d’exclusion frappe les personnes les plus vulnérables : demandeur·euses d’asile, mineurs non accompagnés, sans papiers, et aussi personnes sans abri, personnes en grande précarité, dans un contexte de pauvreté grandissante…
Nous faisons donc un front avec les acteur·trices du secteur de lutte contre la pauvreté et le sans-abrisme. Il n’est plus lieu de demander, il est l’heure d’exposer ce crime face à l’électorat.
Des milliers de demandeurs d’asile laissés sur le carreau
Toute personne demandant l’asile en Belgique doit légalement être enregistrée et recevoir une place d’accueil : l’Etat doit lui fournir un toit, des repas et répondre à l’ensemble de ses besoins matériels, médicaux et socio juridiques. Pourtant, depuis deux années déjà, l’Etat ne respecte pas ses obligations internationales et sa propre loi en la matière, et laisse des milliers de demandeurs d’asile dans le dénuement le plus total. L’Etat est aujourd’hui condamné des milliers de fois par les tribunaux belges et européens pour non-respect du droit d’accueil, mais aussi de l’Etat de droit. Astreintes et saisies par huissiers laissent l’Etat de marbre. Rien n’y fait, le gouvernement ne bouge pas.
Pendant ce temps là…
Où se réfugient les demandeurs d’asile s’ils ne sont accueillis nulle part?
Le gouvernement affirme qu’il leur est loisible de se réfugier dans les centres d’accueil d’urgence, déjà surchargés, pour lesquels il est impossible de prendre en charge plus qu’il n’est matériellement possible. Il ne reste plus que les lieux publics, parcs, gares, recoins isolés de la ville pour trouver repos. L’Etat ne s’arrête pas là. Les grandes gares se trouvent être les endroits où se rassemblent voyageur·euses, personnes sans abri, sans papiers et en demande d’asile. Depuis quelques semaines, le gouvernement s’est lancé dans une chasse à toute personne installée au sein des gares, et dans ces alentours, police, agents fédéraux de l’office des étrangers, agents de sécurité patrouillent….
Collectifs et associations se sont mobilisés tant bien que mal pour tenter de leur donner un semblant de dignité, dans des campements de fortune le long du canal, par l’occupation de bâtiments vides (allée du Kaai, futur centre de crise fédéral, bâtiment rue de la Loi situé à côté du siège du parti de la secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration). Cela n’a rien donné. Ce 21 août, l’Etat a été condamné à prendre en charge l’occupation rue de la Loi, et a une fois de plus décidé d’ignorer le jugement de la justice de paix de Bruxelles.
Le 29 août, Nicole de Moor a communiqué par voie de presse sa décision de suspendre l’accueil des hommes isolés demandeurs d’asile. Elle a été rapidement soutenue dans cette démarche par le Premier ministre puis par l’ensemble du gouvernement. Ce 13 septembre, suite à un xième recours en justice introduit par des organisations, cette décision a été suspendue par le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, car illégale.
La ligne politique est claire : le gouvernement ne respecte ni ses obligations internationales, ni ses propres lois depuis des mois, et officialise ainsi une politique illégale pourtant déjà condamnée des milliers de fois par le pouvoir judiciaire. Le gouvernement assume ne pas respecter les décisions de justice et met gravement en péril l’Etat de droit en Belgique. La conséquence de cette politique est d’envoyer des centaines de personnes par mois dans la rue.
Il n’y a pas de « crise » de l’accueil. Le nombre de demandes d’asile n’a aucunement dépassé celui de 2015, suite à la guerre en Syrie. Il y a, en revanche, une crise orchestrée par un gouvernement ouvertement dans l’illégalité. Un gouvernement qui sape de manière systématique et consciente l’Etat de droit.
Les solutions existent
Depuis deux ans, les associations de terrain ont proposé des solutions concrètes sous diverses formes, dont une feuille de route co-signée par une cinquantaine d’associations de tout le pays, en septembre 2022. Par ailleurs, il existe des mécanismes déjà inscrits dans la loi pour alléger la pression sur Fedasil et Bruxelles, comme le plan de répartition sur les communes. Le gouvernement doit décider de l’activer, ce qu’il refuse catégoriquement de faire depuis deux ans.
Toutes les stratégies ont été utilisées afin de mettre à disposition toutes les solutions possibles au gouvernement. La secrétaire d’Etat reste fermée à toutes ces solutions, à toute aide et à tout soutien de la part du milieu associatif.
Il n’est plus lieu de demander, il est l’heure d’exposer le scandale et l’inhumanité face à l’électorat. Il est l’heure, surtout, de mettre en place les solutions qui existent.
Signataires :
[Signer en tant qu’organisation]
CIRÉ – Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers
Progress Lawyers Network
BELREFUGEES, Plateforme citoyenne de soutien aux réfugié.e.s
L’Ilot
MOC – Mouvement ouvrier chrétien
CNCD-11.11.11 – Centre National de Coopération au Développement
UPJB – Union des Progressistes Juifs de Belgique
CRIBW – Centre Régional d’Intégration du Brabant Wallon
CRILUX asbl
Plateforme pour l’Interculturalité à Tournai
CRIC – Centre Régional d’Intégration de Charleroi
Tchaï – Temps d’accroche pour adolescents en exil
CAI – Centre d’action interculturelle de la province de Namur
Réseau Ades
FJDN – Fondation Joseph Denamur
Centre Avec asbl
Ligue des droits humains
SESO – Service Social des Solidarités asbl
SETM – Solidarité Étudiants du Monde asbl
BAPN – Réseau belge de lutte contre la pauvreté
Solidaris
Mouvement Présence et Action Culturelles
Greenpeace
Médecins du Monde – Dokters van de wereld
BPA – Brussels Platform Armoede
Emmanuel Plasschaert, bâtonnier de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles
Samusocial
Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté
HoTm
Funoc
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